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L’Espace de Rencontre Protégé : des temps organisés entre auteurs de violences conjugales et leur(s) enfant(s)

Aujourd’hui que 40 à 60 % des enfants témoins de la violence conjugale sont directement victimes de violences exercées contre eux par l’auteur des violences conjugales

En 2008, les résultats d’une étude menée par l’Observatoire en collaboration avec le Parquet du TGI de Bobigny, faisaient apparaître que sur les 24 ‘féminicides’ survenus entre 2005 et 2008 en Seine-Saint-Denis, dans la moitié des cas, les assassinats s’étaient produits à l’occasion du droit de visite du père violent.

Face à ces résultats, des préconisations avaient émergé (Téléphone Grave Danger, Ordonnance de Protection et Mesure d’Accompagnement Protégé des enfants), afin d’éviter que l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement soit source de passage à l’acte violent.
« La dangerosité est la plus élevée au moment de la séparation, la présence des enfants n’étant pas un élément gênant pour l’agresseur. Il est donc paradoxal qu’au moment de la plus grande dangerosité, la société demande à la victime et l’auteur de se voir pour le bien être de l’enfant ou pour la passation de l’enfant. (…) En cas de violence dans le couple, la passation de l’enfant, surtout dans les mois qui suivent la séparation, est un moment de très grande dangerosité ».

Par ailleurs, on sait aujourd’hui que 40 à 60 % des enfants témoins de la violence conjugale sont directement victimes de violences exercées contre eux par l’auteur des violences conjugales. Ceci amène à tirer des conséquences dans le champ de la parentalité, c’est-à-dire qu’il faut aujourd’hui «  travailler la parentalité à partir de ce que révèle la violence dans la conjugalité ».

A mi-chemin entre l’Espace Rencontre et la Mesure d’Accompagnement Protégé, l’Espace de Rencontre Protégé propose la prise en compte de la problématique des violences conjugales dans l’organisation des rencontres entre les pères auteurs de ces violences et leurs enfants.

L’objectif est d’accueillir les pères auteurs de violences dans le couple et leurs enfants dans un lieu dédié, d’organiser et de médiatiser leurs rencontres, en privilégiant l’intérêt et la sécurité de l’enfant, mais aussi la protection de la mère victime de violences accompagnant l’enfant.

Chaque année, les onze cabinets de juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny traitent d’environ 350 requêtes en ordonnance de protection.
En 2016, sur les 332 décisions rendues :

  • 274 ont pu statuer sur la demande (les autres procédures n’ayant pas été menées à leur terme)
  • 189 ont fait droit à la demande en protection

La quasi-totalité de ces ordonnances de protection font interdiction au conjoint violent d’entrer en contact avec la victime et statuent sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. La plupart de ces décisions organisent des modalités spécifiques d’exercice du droit de visite ou d’hébergement, pour tenir compte de la situation de danger de la mère et de l’interdiction qui a été faite au père de la rencontrer.

L’Espace de Rencontre Protégé complétera les dispositifs permettant au juge aux affaires familiales de Seine-Saint-Denis d’encadrer le droit de visite du père auteur de violences en adaptant les modalités à la problématique familiale. En statuant sur les demandes des parties et tenant compte des débats et des pièces versées au dossier, il pourra décider de suspendre le droit d’accueil du parent violent, d’organiser un droit de visite médiatisée dans un point-rencontre, de recourir à la mesure d’accompagnement protégé ou à L’Espace de Rencontre Protégé.

Ces différents dispositifs permettent de répondre aux spécificités de chaque situation familiale et notamment :

  • au risque de passage à l’acte violent direct sur les enfants,
  • aux situations où le père a été violent avec la mère, mais pas avec les enfants,
  • au risque d’instrumentalisation de l’enfant à l’occasion des droits de visite du père violent.

La Sauvegarde de Seine-Saint-Denis comme partenaire opérationnel dans la mise en œuvre du projet espace rencontre protégé est évident. L’association est un référent départemental reconnu en matière de protection et d’accompagnement des jeunes, notamment au travers des services du Pôle d’Accompagnement Judiciaire Educatif (PAJE) et d’ADEF Médiation.

Parallèlement à ces activités, le PAJE développe depuis plusieurs années des actions pour prendre en charge et responsabiliser les auteurs de violences conjugales et familiales. Depuis 2012, les Mesures d’Accompagnement Protégé sont mises en œuvre par le PAJE pour accompagner les enfants afin de faciliter l’exercice des droits de visite dans le cadre des violences conjugales.

En 2014, le Pôle a également mis en place une mission « violences conjugales » avec 3 actions distinctes : des groupes d’expression et de responsabilisation, des prises en charge individuelles des auteurs et des stages de responsabilisation dans le cadre d’un protocole signé avec la Juridiction (mesures ordonnées par le Procureur de la République du tribunal de Bobigny qui constituent une alternative aux poursuites judiciaires).

Zohra HARRACH N’DIAYE
Directrice du PAJE et d’ADEF Médiation

Crédit photo : Ksenia Makagonova (Unsplash.com)

Mise en ligne le dimanche 14 octobre 2018
Modifiée le dimanche 14 octobre 2018